Le recours précoce et souvent quasi-systématique aux antidépresseurs chez la population adolescente (9-18 ans) est sujet à controverse : en effet, ses bénéfices seraient des plus insignifiants au possible et pourraient même avoir des effets contraires à ceux recherchés. Le bien-être n’est pas obtenu par une molécule magique, béquille chimique sur laquelle il s’agit de ne pas se reposer trop longtemps (l’effet indésirable majeur et redoutable étant l’accoutumance). Une étude parue dans la revue scientifique britannique The Lancet, jeudi 9 juin 2016, fruit d’un travail titanesque, montre que la majorité des antidépresseurs disponibles sont très peu efficaces pour une jeunesse pourtant en peine. Faut-il les adapter à une morphologie type ? Faut-il inventer des antidépresseurs leur étant spécialement destinés ?
De la difficulté d’établir un diagnostic et mettre en route une prise en charge adéquate chez les ados étant dépressifs
Selon la HAS (Haute Autorité de Santé), l’estimation que près de 8 % des adolescents entre 12 et 18 ans souffriraient d’une dépression atteste d’un mal-être le plus souvent sibyllin mais profondément enraciné. En effet, à un âge où se jouent beaucoup de facteurs qui vont influer sur l’âge adulte, la dépression de l’adolescent peut passer inaperçue via un diagnostic difficile à établir pour diverses raisons : difficulté à exprimer ses ressentis ; symptômes trompeurs tels que l’irritabilité et l’agressivité ; manifestation de la souffrance différente de celle de l’adulte ; confusion notable avec une déprime épisodique courante lors de la « crise d’ado ».
La prise en charge ad hoc de la dépression est donc parfois compromise mais heureusement n’échappe pas à tous les praticiens, autant dans le libéral qu’en milieu hospitalier. L’importance de la parole cathartique incite les généralistes à orienter les adolescents dépressifs chez un psychiatre.
Une étude de grande ampleur portant sur 14 antidépresseurs testés par des ados dont un seul est fiable : le Prozac
Une méga-étude avec 34 essais portant sur plus de 5 000 enfants et adolescents de 9 à 18 ans, cobayes ayant testé 14 médicaments, panel étoffé et choisi pour lutter contre la dépression, confirme les conclusions obtenues avec sérieux ainsi que sur le long cours. Les chercheurs méritent des bravos pour une étude aussi mobilisatrice que persévérante. Le verdict est sans appel : les antidépresseurs sont inefficaces et dans certains cas dangereux pour nos chers enfants souffrant de dépression. Seule la fluoxetine (disponible sous ordonnance sous le nom de Prozac), s’est montrée plus efficace qu’un placebo pour amoindrir les symptômes d’une dépression.
Son degré de tolérance par l’organisme a été plus élevé que pour les autres antidépresseurs. Le nortriptyline arrive en dernière position des 14 antidépresseurs et l’imipramine est le moins bien toléré. La venlafaxine est associée à un risque hélas augmenté de pensées suicidaires.
Une hospitalisation parfois nécessaire pour entamer un traitement pouvant être porteur d’idées suicidaires avérées
Pour le professeur Peng Xie (université de Chongqing), qui a conduit l’étude, relayée par un journal d’excellence, à savoir The Lancet, il convient de retenir des conseils avisés et même impératifs : « Les enfants et les adolescents qui prennent des antidépresseurs doivent être très surveillés, quel que soit l’antidépresseur choisi, en particulier au début du traitement ». Ce que confirment les cliniciens. « Ces prescriptions doivent être réservées à l’hôpital et ne pas être effectuées en médecine générale, afin de regarder de près d’éventuels effets secondaires, surtout le risque suicidaire », souligne, un spécialiste français, le professeur Xavier Pommereau, qui dirige le pôle aquitain de l’adolescent (centre Abadie situé à Bordeaux).
Un autre fondamental est à retenir absolument : « La biologie de l’enfant et de l’adolescent, sous l’effet des hormones sexuelles, mérite une attention particulière quand on prescrit des médicaments. »
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