La baisse des médicaments à visée anxiolytique (essentiellement les très controversées benzodiazépines), calculée à partir du nombre de boîtes vendues au cours de l’année 2015 dans les pharmacopées, est on ne peut plus surprenante car nous avons été confrontés l’année dernière à un contexte général anxiogène d’une ampleur tristement exceptionnelle. C’est l’hebdomadaire Le Point sur son site internet, qui a dévoilé, ce dimanche, des chiffres officiels émanant de la Sécurité sociale (plus exactement de la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés : la Cnamts) qui attestent d’un recul de la consommation des anxiolytiques par rapport à 2014. Assistons-nous comme témoins et pour certains acteurs car consommateurs des prémices d’une révolution médicamenteuse se délestant des tranquillisants de moins en moins en moins bien remboursés ? Les anxiolytiques ne seraient-ils plus automatiques ? Les facteurs de stress que l’on pourrait qualifier de « masse » ont été pourtant légion en 2015 : nous pensons en premier lieu aux deux attaques terroristes de janvier et novembre sans oublier un taux de chômage élevé et la crise des migrants. L’année 2016 commence avec cette excellente nouvelle dans notre pays réputé pour abuser de ce type de produit destiné à juguler l’anxiété, se déclinant en variantes diverses (benzodiazépines anxiolytiques, benzodiazépines hypnotiques, antidépresseurs) dont la posologie et la délivrance doivent être soumises à un diagnostic individuel indispensable car chaque personne réagit différemment suivant son psychisme (dépression, troubles anxieux, stress professionnel, troubles du sommeil, etc.) et une composition chimique propre que le prescripteur doit aussi prendre en compte. Il convient de spécifier que ces derniers sont à double tranchant : si la quiétude désirée est obtenue, le piège de la dépendance, psychologique voire physique, peut s’ensuivre. Les somnifères (Noctamide, Havlane, etc.) ont été impactés par une prise en charge moindre de leur coût par la Sécurité sociale.
Une baisse de la consommation de benzodiazépines à la dangerosité avérée au long cours
Les chiffres accusent le moral commercial en baisse, en affectant notamment les molécules les plus souvent prescrites et utilisées contre l’anxiété, à savoir les benzodiazépines. On distingue deux types de « benzos » (leur abréviation la plus courante) : les benzodiazépines anxiolytiques et les benzodiazépines hypnotiques. Les deux ont reculé de façon significative en l’espace d’une année. Les benzodiazépines anxiolytiques (Temesta, Xanax, Lysanxia, etc.), ont vu leur nombre de boîtes remboursées par la Sécurité sociale diminué de plus de 700 000 boîtes en 2015, soit une baisse de 1,4% (48,9 millions de boîtes remboursées en 2015 contre 49,6 en 2014). La réduction se distingue de façon encore plus notoire en ce qui concerne les benzodiazépines hypnotiques (somnifères), avec près de 220 000 boîtes vendues en moins l’an dernier (6,5 millions en 2015 contre 6,7 millions en 2014), soit une baisse de 3,26%. Tant pis pour les lobbys pharmaceutiques, youpi pour l’endettement quelque peu délesté de la Sécurité sociale ! En ce qui concerne les patients, le bénéfice est double : les prescriptions presque à la demande ou les renouvellements à rallonge ont été moins systématiques et le spectre inhérent aux benzodiazépines, dont la consommation ne doit absolument pas dépasser le cap fatidique des trois mois (l’accoutumance et la nécessité d’augmenter les doses pour obtenir la même sensation de bien-être sont terribles) plane moins sur nos têtes plus vigilantes. S’inscrivant dans ce sens, la Haute autorité de santé (HAS) avait pour sa part jugé que ceux-ci avaient un « intérêt thérapeutique limité » dans l’insomnie et préconisé en 2014 que leur taux de remboursement soit réduit de 65% à 15%, une recommandation suivie par l’Assurance maladie. De leur côté, s’inscrivant plus sur une délivrance sur le long cours et non un usage qui devrait être limité en durée et intensité pour les « benzos », les antidépresseurs ont été légèrement plus consommés en 2015, avec un nombre de boîtes remboursées en hausse de 0,7% (33,6 millions en 2015 contre 33,4 en 2014). A cette exception près, la tendance générale à la baisse est positive, au terme d’une année 2015 difficile, ce qui mérite des bravos.
Cette baisse s’explique en contrepartie par d’autres moyens non médicamenteux efficaces
Pour le professeur Antoine Pelissolo, chef de service de psychiatrie à l’hôpital Henri-Mondor de Créteil et président de l’Association française des troubles anxieux et de la dépression, « la diminution de la consommation des benzodiazépines anxiolytiques se confirme entre 2014 et 2015, et surtout par rapport aux années passées. J’ai retrouvé des données relativement comparables qui indiquaient des ventes de 68,9 millions de boîtes en 1997 et 76,5 millions en 1991. Il demeure encore beaucoup d’utilisateurs de ces molécules, environ dix millions de personnes, mais, grâce à l’information sur les risques et à quelques alternatives nouvelles, cette population est en baisse ». La prescription à gogo des « benzos » avait donc entamé une bénéfique courbe descendante, depuis la fin du siècle dernier, suivant les assises chiffrées solides sur lesquelles s’appuie cet éminent spécialiste. Les attentats n’ont pas eu l’effet d’une bombe psychique, assimilable à un traumatisme national, à la juste mesure de l’injuste démesure de l’hécatombe tristement constatée , même si une nette hausse des passages aux urgences chez les 25-35 ans a été épinglée par l’InVS (Institut national de Veille Sanitaire) dans la foulée des attentats du 13 novembre. Les anxiolytiques qui ne sont qu’une béquille chimique se seraient-ils effacés devant la prise en charges psychologique, le plus souvent, résultant d’une démarche personnelle, qui est devenue presque « tendance » ? La parole est en effet libératrice mais bien d’autres facteurs rentrent en compte dans l’appréhension du psychisme et de son environnement, comme le confirme le professeur Pelissolo, qui les qualifie de « phénomènes de compensation », avec comme exemples notoires, la résilience ou la capacité de renaître de sa souffrance née de la réflexion de Boris Cyrulnik et la perception individuelle qui s’affranchit ou est transcendée par la perception collective. On parle aussi de phénomène de groupe en ce qui concerne un impact psychologique avec uniformité sur les masses : il aurait pu découler des dérives islamistes meurtrières.
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