Taxe Zucman : pourquoi cette taxation des ultra-riches divise-t-elle autant ?

taxes impots

Alors que je rédige ces lignes, les sénateurs examinent aujourd’hui la taxe Zucman, qui vise à instaurer un impôt plancher pour les contribuables les plus fortunés. Cette taxe Zucman fait parler d’elle depuis des mois, cristallisant les débats sur la justice fiscale en France. Mais qu’est-ce qui se cache vraiment derrière cette proposition ? Et pourquoi suscite-t-elle autant de passions ?

Un tableau des enjeux financiers

CritèreDétail
Seuil d’applicationPatrimoines supérieurs à 100 millions d’euros
Taux d’imposition2% minimum
Contribuables concernésEnviron 1 800 foyers fiscaux
Recettes estimées20 milliards d’euros par an
Type d’impôtContribution différentielle

Qui est derrière cette proposition révolutionnaire ?

Gabriel Zucman n’est pas un inconnu dans le monde de l’économie. Directeur de l’Observatoire européen de la fiscalité et professeur à l’École d’économie de Paris, cet économiste de renom a imaginé un dispositif qu’il présente comme une révolution fiscale ciblée. Je dois admettre que sa logique est imparable : pourquoi les plus riches paieraient-ils proportionnellement moins d’impôts que les classes moyennes ?

Le mécanisme de la taxe expliqué simplement

La taxation Zucman fonctionne selon un principe de contribution différentielle. Contrairement à l’ancien ISF ou à l’IFI actuel, elle ne tient pas compte du revenu du foyer fiscal. Voici comment elle fonctionne :

  • Cible : Les foyers détenant plus de 100 millions d’euros d’actifs
  • Principe : Un impôt plancher de 2% sur la valeur totale du patrimoine
  • Calcul : Si vous payez déjà l’équivalent de 2% ou plus de votre fortune en impôt sur le revenu, vous n’êtes pas concerné
  • Différentiel : Si vous payez moins, vous devez verser la différence pour atteindre 2%

Une injustice fiscale criante qui interpelle

Les chiffres donnent le vertige. Selon la sénatrice Ghislaine Senée, l’augmentation de la richesse des plus fortunés atteint +890% depuis 2003. Pour illustrer cette réalité, elle compare la richesse de Bernard Arnault au PIB du Maroc tout entier ! Cette concentration de richesses pose une question fondamentale : est-il normal que les milliardaires ne paient que 27% de leurs revenus en impôts quand les Français moyens en versent 52% ?

L’opinion publique largement favorable

Les sondages ne mentent pas. Selon une enquête Elabe récente, les Français soutiennent massivement cette approche :

  • 81% favorables à la contribution des entreprises les plus profitables
  • 77% pour taxer davantage les Français les plus aisés
  • 76% approuvent la taxation des actifs les plus riches
  • 59% soutiennent même l’imposition des retraités les plus fortunés

Ces pourcentages dépassent les clivages politiques habituels. Même les électeurs modérés adhèrent à cette logique de justice fiscale.

Les résistances du gouvernement Bayrou

François Bayrou se trouve dans une position délicate. Son gouvernement doit trouver 40 milliards d’euros d’économies pour le Budget 2026, mais refuse de soutenir la taxe Zucman. À la place, il travaille sur un dispositif alternatif que Gabriel Zucman qualifie de « 40 fois plus faible ». Cette timidité s’explique par le dogme macroniste de ne pas augmenter les impôts, même sur les plus riches.

Le spectre de l’exil fiscal : réalité ou épouvantail ?

L’argument de l’exil fiscal revient systématiquement dans ce débat. Mais Gabriel Zucman, études à l’appui, le qualifie d’« épouvantail ». Ses recherches montrent que les départs fiscaux restent marginaux face aux enjeux de recettes publiques. D’ailleurs, plusieurs pays européens réfléchissent à des mesures similaires, ce qui limiterait les possibilités de fuite.

Un soutien croissant au-delà des clivages politiques

Inspiré des travaux de l’économiste Gabriel Zucman, le texte instaure un impôt plancher de 2 % sur le patrimoine des « ultra-riches ». Ce projet gagne du terrain. Mardi dernier, un collectif de maires de petites et grandes villes a publié une tribune dans le Nouvel Obs, réclamant que les recettes financent « l’existence d’un service public local fort ».

Plus significatif encore, trois économistes de renom – Gabriel Zucman, Olivier Blanchard et Jean Pisani-Ferry – ont défendu le principe dans une tribune au Monde. Ce dernier, architecte du programme économique d’Emmanuel Macron en 2017, apporte une caution inattendue à cette mesure.

Les mises en garde de la Banque de France

François Villeroy de Galhau, gouverneur de la Banque de France, tempère l’enthousiasme. Il évoque une possible « illusion fiscale » et s’inquiète des effets sur l’économie française. Sa principale préoccupation ? Cette taxe frapperait aussi les biens professionnels, c’est-à-dire les entreprises françaises et leurs créateurs.

L’enjeu du vote sénatorial

Les sénateurs examinent jeudi 12 juin la taxe Zucman, après son adoption à l’Assemblée nationale en février par 116 voix contre 39. Les chances d’adoption au Sénat restent minces, la majorité sénatoriale étant peu favorable à ce type de mesure. Mais l’objectif des porteurs du texte dépasse ce vote : maintenir la pression sur le gouvernement et alimenter le débat public.

Vers une fiscalité internationale des ultra-riches ?

L’ambition de cette taxe patrimoine dépasse nos frontières. Gabriel Zucman milite pour une coordination internationale, seule capable de limiter l’optimisation fiscale des grandes fortunes. La France pourrait-elle devenir précurseur d’un mouvement plus large ? C’est le pari de cette proposition révolutionnaire.

En définitive, cette taxe Zucman cristallise un débat de fond sur la justice fiscale et la contribution de chacun à l’effort collectif. Qu’elle soit adoptée ou non, elle aura réussi à remettre sur la table une question que beaucoup croyaient enterrée depuis la suppression de l’ISF.

Autres articles qui pourraient vous intéresser

jade-bernard-150x150 Taxe Zucman : pourquoi cette taxation des ultra-riches divise-t-elle autant ?
Jade Bernard, rédactrice Argent / Aides / Impôts / Administratif